Emergence sans bouts de tôle

Publié le par Grand Beau et Riche Pays

Emergence sans bouts de tôle

Une photo, de ce qu’on voit ici, explique tout. Mieux que des discours et des thèses de doctorat. On entend dire que le Congo a redécollé et que l’émergence est à l’ horizon 2030. Quelqu’ un a même dit que « le Congo sera la Chine d’ Afrique ». L’émergence est-elle spontanée ? Cela va-t-il de soi ? Avant d’émerger la Chine et l’Inde étaient réellement des Etats. Avec des industries, des élites, une gouvernance. Est-ce qu’on est engagé sur la voie de ces préalables?

Par ici, dans les rues, des voitures roulent sans plaques d’immatriculation. Il y a des ruptures fréquentes de stock. Un pays peut-il émerger s’il ne sait pas régler cette question futile ? Sans savoir fabriquer de plaque minéralogique, de simples bouts de tôle emboutie ? Si on ne sait même pas gérer la commande et la distribution de quelques milliers de de bouts de feuilles laminées? Quand la faillite de gouvernance fait les bonnes affaires d’une corruption rampante ?

« Dans les bureaux, il n’y a pas de plaques. Dans la rue, on les propose à trois fois le prix officiel avec, en prime, l’obtention des documents dans la demi-journée ».

Dans les dernières années de Mobutu, un directeur des impôts avait imaginé de « mobiliser les recettes » en faisant remplacer les plaques vertes des véhicules. Le calcul était vite fait : avec 100.000 véhicules à Kinshasa, et en vendant 100 dollars la plaque, il allait récolter 10 millions de dollars, pour un coût de 4 millions. Il en paya directement 2. L’affaire a été lancée avant de foirer. Puis les Kabila ont apporté leurs plaques bleues. Puis on a imaginé une nouvelle plaque blanche pour rapporter 60 dollars au fabriquant et 40 à l’Etat. Avec ce contrat, le pays hériterait d’ un atelier de fabrique de plaques après dix années. Et pour bien faire, c’ est le Congo qui a financé l’ investissement. Et après une année, cela ne marchait plus.

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Autre question. Comment émerger si on ne parvient pas à concevoir le design simple et utilitaire d’une simple plaque rectangulaire? Ils ont décidé d’ aligner le drapeau national et le sigle du pays suivis d’ une série de 8 chiffres et lettres (4 chiffres, 2 lettres + 2 chiffres) ; là où une combinaison de 5 chiffres et lettres aurait suffi. La création originale est une plaque trop longue qu’on a du mal à loger dans les emplacements de beaucoup de véhicules. Certains plient la plaque, d’autres la fixent sur le pare choc, en violation de la réglementation qui rend obligatoire l’éclairage de la plaque arrière. Et en prime de cette gouvernance, il n’y a pas de possibilité de remplacer une plaque perdue, d’en avoir une de plus pour sa remorque ou une rectangulaire pour une moto. L’émergence se fera au prix de la bonne gouvernance, avec des gens sincères.

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Encore un mois de pluies et de mélanges de saisons. Le long des rues, des herbes folles se couvrent de petites fleurs printanières.

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On trouve encore les dernières mangues fraîches d’ un arbre de Nsianfumu, ancien Vista, au nord de Muanda, sur le littoral. Il a été reproduit avec le noyau ; mais sur le plateau des Bateke, on fait des boutures de manguiers. Ce sont les seules mangues de l’année ; toutes les autres ont été tuées par une sorte de « Seveso » en novembre 2013. L’espace d’une nuit, de nombreuses plantes ont été tuées par de la pollution industrielle. Il y en a de plus en plus. Mortes en silence, comme sans doute d’autres humains anonymes.

SAVEURS DE LIRE

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Mobutu a dit qu’il avait deux grands frères et sa mère l’a mis au monde alors qu’ elle avait 9 ans seulement. René Sakas rappelle cette histoire extraordinaire dans Et si le maréchal Mobutu était de l’autre rive ? ( L’Harmattan 15 décembre 2013). Lors de la prise de Kisangani en 1997 par des troupes pro rwandaises, Mobutu avait dit qu’ on l’ avait « poignardé dans le dos », donc ce ne pouvait être que l’ œuvre de ses frères rwandais. Puis Kengo Wa Dondo qu’ on critiquait d’ avoir du sang banyarwanda aurait dit qu’ « on parle de métis blanc et pas de métis noirs », donc ,Mobutu est un métis rwandais. Etc. Le livre qui se sert des propos du dictateur dans Mobutu : dignité pour l’Afrique de J-L Remilleux ( Albin Michel 1989) est agréable à lire. Mais comme l’auteur se cache derrière un pseudonyme, il pourrait être n’ importe qui. Il se trahit en parlant, hors propos, de « Joseph Moke ».

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L’ancien maire de Lubumbashi ne rêvait que de commémorer avec faste le centenaire de la ville en rétablissant la mémoire de son fondateur, Emile Wangermée. Mais on l’ a déplacé avant. Mais sous l’ère de la gestion d’entreprise privée, le vice-gouverneur général qui se déplaçait à vélo ne valait plus rien pour ceux qui se déplacent en jets privés. Il y avait un croisement des avenues Wangermée et Tabora. Plus loin, Tabora croisait l’ avenue Monseigneur De Hemptine. Les avenues Wangermée et De Hemptine furent baptisées en Mama Yemo et Sendwe. Lorsque vint le centenaire de l’évangélisation, on oublia où se situait l’ avenue de Hemptine et on remplaça Tabora par le nom de l’ évêque. On planta de nouvelles plaques au croisement Tabora/Wangermée ; désormais De Hemptine/ Mama Yemo. Cela très sérieusement parce qu’ il faut honorer et commémorer la mère de Mobutu. Qui d’ ailleurs, n’est même pas sa mère.

LE BEAU PAYS par la Monusco en photos libres de droits

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